Vidéo. Sénégal: les Dakarois exigent un « Central Park » au cœur de la ville
Les constructions anarchiques et la spéculation immobilière ont dénaturé le littoral et la presqu’île du Cap-Vert. Mais les Dakarois tentent d’inverser la tendance pour que la ville reprenne son lustre d’antan.
Dakar suffoque et le béton a fini par avaler la verdure qui ornait jadis la presqu’île du Cap-Vert. Ce constat alarmant a fait l’objet d’un documentaire intitulé Sénégal vert. Horizon 2035, réalisé par Mamadou Sakho, un militant écologiste sénégalais de 35 ans.
Portant les problèmes de sa ville à bras-le-corps, le jeune militant avait provoqué une prise de conscience de la gravité du danger qui plane sur le littoral de la Dakar en publiant une pétition largement relayée sur les réseaux sociaux. Il en ressort une idée de transformation l’ancien aéroport international Léopold-Sédar-Senghor de Dakar — 600 hectares en plein cœur de la capitale — en réserve naturelle. Cet espace serait « la symbolique d’une nouvelle vision écologique non seulement sénégalaise, mais tout simplement africaine », souligne-t-il dans sa pétition.
La spéculation immobilière guette
On rembobine. En 2017, l’aéroport international du Sénégal a été délocalisé à cinquante kilomètres de Dakar. Une partie de l’ancienne infrastructure est dès lors confiée par décret présidentiel à l’armée, alors que le reste est cédé au goutte-à-goutte pour la construction d’immeubles privés et d’opérations immobilières, informe le portail le Monde Afrique. Et de poursuivre qu’un projet de cité financière calquée sur le modèle de Casablanca Finance City, serait en état de gestation.
Mais c’est sans compter sur la mobilisation des Dakarois, puisque 20 000 personnes ont déjà signé la pétition de Mamadou Sakho. En effet, la population de la capitale sénégalaise ne dispose que du parc forestier et zoologique de Hann, situé à 6 kilomètres du centre-ville, pour pouvoir respirer sous les arbres.
Selon le plan directeur d’urbanisme de Dakar et de ses environs horizon 2035 du ministère sénégalais du renouveau urbain, de l’habitat et du cadre de vie, « la superficie d’espaces verts [est] de 0,15 mètre carré par personne actuellement. »
Le grignotage foncier du littoral est également en marche depuis quelques années, accentué par la fièvre de la spéculation immobilière. Le protéger, c’est le combat d’une vie pour Moctar Ba, un militant de la première heure. Depuis les années 2000, l’association Nouveau Monde qu’il préside a vu des « constructions anarchiques » grignoter le littoral, ce « joyau de Dakar ». Depuis quelques années, une zone comme la corniche ouest, au plus près de la mer et dont l’urbanisation est très réglementée, est en travaux permanents, en dépit des réglementations en vigueur.
Un cordon vert contre le béton
Pour faire taire les bulldozers et les pelleteuses, les militants écologiques font preuve d’inventivité et déploient les ruses pour arrêter cette mise à mort des poumons de la ville. Il y a quelques mois, Mara Baalbaki, une femme d’affaires, a créé l’association Ecolibri pour reboiser chaque endroit vierge et épargné de tout projet de construction, et cela sur toute la corniche de la presqu’île du Cap-Vert. « S’il y a quelque chose, normalement on n’y touchera pas », précise-t-elle avec un air malicieux.
Une astuce réitérée par Riad Kawar, un autre militant écologiste très suivi sur Facebook, qui a fait planter plus de cent cinquante arbres pour stopper les pelleteuses aplanissant la falaise.
Si ça continue, On se rappellera dans quelques années lorsque le Plateau de Dakar sera victime, ou lorsque ces falaises…
Publiée par Riad Kawar sur Lundi 17 février 2020
Depuis son élection, fin septembre 2018, Soham El Wardini, la maire de Dakar, a montré sa bonne volonté tout en avouant que les choses risquent de prendre plus de temps en raison de la gestion des espaces entre la ville, les collectivités locales et l’État.