Terres rares, futurs minéraux de conflit en Afrique
En Afrique, les prospections des mines renfermant des réserves en terres rares vont bon train. Le continent pourra devenir une sérieuse alternative à la Chine qui en monopolise la production, mais le coût écologique et géopolitique risque d’être fatal. Éléments d’analyse.
La guerre économique fait rage entre les Etats-Unis et la Chine. L’empire du milieu dispose d’un atout majeur dans ce conflit. Il s’agit des terres rares. Un groupe de 17 minerais dont les propriétés électroniques, magnétiques, optiques ou encore catalytiques en font des éléments particulièrement recherchés par l’industrie (aéronautique, automobile, technologies de l’information, etc.).
À titre d’exemple, le néodyme est le principal minerai qui entre dans la fabrication d’aimants permanents. Sans lui, pas de moteurs pour les voitures électriques et hybrides, pas de générateur de courant pour les éoliennes.
Le tantale, hafnium, praséodyme ou terbium sont indispensables dans des composants de nos téléphones tels que l’écran tactile, les micros, ou les transistors. Or, la Chine concentre à elle seule 85 % des terres rares consommées actuellement dans les nouvelles technologies et pourrait ainsi exercer une pression terrible sur les Etats-Unis et l’Europe, et prendre en otage leur développement. En effet, la demande de ces matières réalise une croissance à deux chiffre annuellement.
L’Afrique, le nouveau champ de bataille
Ces minerais très recherchés sont relativement abondants dans la croûte terrestre. Cependant, les concentrations exploitables ne sont pas fréquentes et le fait qu’ils soient généralement mélangés à d’autres minéraux rend leur extraction et leur raffinage très coûteux et polluant.
Une raison qui a poussé les américains, jadis leader mondial, à déplacer la production des mines de Californie vers la Chine, un pays peu regardant sur l’impact écologique de cette production qui bénéficié d’un faible coût de production. Il s’agit selon les experts d’une organisation méthodique du monopole sur la production et l’exportation des terres rares.
Le 13 août 2019, les produits de la société Huawei sont banni des Etats-Unis qui, entre 2014 et 2017, avaient importé 80% de leurs besoins en terres rares de Chine. Pour répondre à cette attaque frontale, le président chinois, XI Jinping organise une visite à une usine de production de ce minerai. Une menace à peine voilée en direction de son homologue américain Donald Trump.
Le couteau à la gorge, les économies occidentales se mettent en ordre de bataille pour desserrer l’étau chinois et trouver d’autres sources à ces matières. L’Afrique qui dispose d’énormes réserves minières devient l’objet de toutes les convoitises.
Se sentant menacés, les Chinois anticipent et se lancent dans la prospection de plusieurs mines en Afrique pour damer le pion aux Etats-Unis et ses alliés. L’Afrique du Sud, le Gabon, la Mauritanie, le Madagascar, la Tanzanie, le Mali et surtout le Burundi, seul pays à produire cette richesse.
Pour riposter, des compagnies canadiennes, européennes ou encore Américaines se lancent également dans la prospection, et impliquent plusieurs banques comme JP Morgan ou HSBC dans cette guerre commerciale qui fait de l’Afrique son nouveau terrain de jeu.
L’enfer du décor
Le potentiel d’exploitation des Terres rares sur le continent africain est énorme en raison de la richesse du sous-sol du continent. Cependant, leur exploitation se heurte à plusieurs obstacles et risque de générer des grands problèmes écologiques, voire déstabiliser plusieurs pays.
Selon Martin Eales, le PDG de Rainbow Rare Earths Limited, l’unique société qui produit des Terres rares en Afrique (Burundi), l’exploitation commerciales dans ce continent demande des capitaux énormes et des montages financiers complexes.
L’exploitation des terres rares soulèvera également la question de la quadrature du cercle écologique en Afrique. En effet, l’extraction et le raffinage de ces minéraux cause le rejet de grandes quantités d’eaux chargées en solvants chimiques et en métaux lourds qui risquent de polluer les cours d’eaux.
À en croire Guillaume Pitron, journaliste spécialiste de la géopolitique des matières premières, plusieurs villages situés aux abords du fleuve Jaune ont enregistré des cas de concerts anormalement élevés par rapport à la moyenne nationale. En cause, les rejets des mines d’extraction et des usines de raffinage de ces matières premières.
Enfin, l’exploitation de cette nouvelle manne risque d’engendrer des conflits de grande ou de basse tension dans les pays concernés. En effet, il n’est plus à démontrer que plusieurs guerres civiles en Afrique ont été financés par la richesse du sol. C’est le cas de l’exploitation du coltan au Congo, les « Blood diamonds » en Sierra Leone, ou encore l’étain, le tantale, le tungstène et l’or qui continuent à alimenter les rébellions dans la région des Grands Lacs