Guinée: Alpha Condé à l’assaut d’un 3e mandat le 18 octobre
Le président guinéen Alpha Condé, ex-opposant historique, entend remporter dimanche un troisième mandat pour poursuivre son œuvre de réformateur, rendant coup pour coup à ses adversaires et aux défenseurs des droits humains qui l’accusent de dérive autocratique.
En 2010, Alpha Condé devient le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d’Afrique de l’Ouest, régie jusqu’alors par des pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux.
S’il était alors auréolé de son image d’opposant acquise après des décennies de lutte, il est accusé 10 ans plus tard d’avoir plongé son pays dans la crise pour rester au pouvoir en faisant adopter une nouvelle Constitution.
A 82 ans, cet homme encore svelte qui boîte légèrement se présente comme un modernisateur, opposé à l’excision et aux mariages forcés. Il avait d’ailleurs choisi, début septembre, de s’adresser aux femmes de son parti pour officialiser sa candidature. « Moi, je suis le candidat des femmes et des jeunes », a-t-il assuré.
« Je me suis battu pendant 45 ans, j’étais opposant, mes adversaires sont des fonctionnaires qui sont devenus Premiers ministres après avoir mis le pays à terre. C’est extraordinaire que je sois considéré comme un dictateur antidémocrate! », a-t-il lancé récemment sur France 24 et RFI.
Il vante aussi son bilan: réalisation de barrages hydroélectriques, révision des contrats miniers et mise au pas de l’armée, alors que le pays a traversé la pire épidémie d’Ebola de l’Histoire (décembre 2013-2016).
Mais malgré la richesse de son sous-sol, plus de la moitié de la population de Guinée vit sous le seuil de pauvreté, avec moins d’un euro par jour, selon l’ONU.
Human Rights Watch dénonce pour sa part les conséquences désastreuses sur l’environnement et les populations de la « croissance fulgurante » de l’exploitation de la bauxite, principal minerai permettant la production d’aluminium, dont le pays détient les plus importantes réserves mondiales.
Se réclamant de la gauche, Alpha Condé est un orateur érudit, qui sait séduire son auditoire, mais il goûte peu la contradiction.
« Je suis choqué de vous entendre dire que la Guinée n’a pas émergé, je suis choqué, franchement. Je suis choqué! », a-t-il pesté tout au long d’une interview en 2018 à des médias français pour le 60e anniversaire de l’indépendance.
Sanguin, Alpha Condé l’est certainement, comme lorsqu’il réprimande des étudiants qui lui réclament les tablettes informatiques promises pour sa réélection en 2015. « Vous êtes comme des cabris: +Tablettes, Tablettes!+ », grince-t-il, sautant sur place à pieds joints.
Mais c’est surtout sa volonté intransigeante de doter le pays d’une nouvelle Constitution qui a divisé les Guinéens. Selon Amnesty International, la répression des manifestations de masse contre un troisième mandat a fait au moins 50 morts depuis octobre 2019.
« Je ne prends pas Amnesty International au sérieux. Ils font des enquêtes à charge, des rapports unilatéraux », rétorque le président.
De longues années d’opposition en exil, la prison, une accession quasi miraculeuse au pouvoir et deux mandats présidentiels ont forgé son caractère.
Né le 4 mars 1938 à Boké (ouest), M. Condé est issu de l’ethnie malinké, la deuxième du pays. Marié trois fois, il est père d’un garçon.
Il part en France dès l’âge de 15 ans et y obtient des diplômes en économie, droit et sociologie. Il enseigne ensuite à l’université parisienne de la Sorbonne.
Parallèlement, il dirige dans les années 1960 la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et anime des mouvements d’opposition au régime dictatorial d’Ahmed Sékou Touré, « père de l’indépendance » de la Guinée, qui le fait condamner à mort par contumace en 1970.
Il rentre au pays en 1991, sept ans après la mort de Sékou Touré, auquel a succédé l’officier Lansana Conté. Aux présidentielles de 1993 et 1998, ni libres ni transparentes, Condé est officiellement crédité de 27% et de 18% des voix.
Il inquiète néanmoins Lansana Conté, qui le fait arrêter après la présidentielle de 1998 et condamner en 2000 à cinq ans de prison. Sous la pression internationale, il est gracié en 2001.
Il reste dans l’opposition après l’avènement de la junte du capitaine Moussa Dadis Camara en 2008.
Mais en 2010, le « Professeur Alpha Condé » est enfin élu, au second tour, après avoir été très nettement distancé au premier par l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo. En 2015, il est réélu au premier tour, loin devant M. Diallo, son principal opposant, qu’il retrouve à nouveau face à lui dimanche.
(AFP)