Biodiversité. Comment l’Afrique peut tirer profit du protocole de Nagoya
Le Gabon a émis le premier Certificat de Conformité internationalement reconnu (CCIR) du Protocole de Nagoya pour protéger l’Iboga, une plante qui possède des vertus médicinales. Plusieurs pays africains signataires dudit protocole pourrait tirer profit de la flore locale et la protéger du biopiratage de ressources génétiques et surtout, les connaissances traditionnelles qui y sont associées.
Le Gabon a émis, le 16 octobre 2020, le premier Certificat de Conformité Internationalement Reconnu (CCIR) du protocole de Nagoya, sur l’accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.
Le CCIR constitue la preuve à l’international que l’accès par l’utilisateur à la ressource génétique, auquel le CCIR s’applique, a fait l’objet d’un consentement préalable donné en connaissance de cause (CPCC) par le fournisseur et que des conditions convenues d’un commun accord (CCCA), ont été établies, souligne un communiqué du gouvernement, notant que Le CPCC et les CCCA constituent deux dispositions obligatoires du Protocole de Nagoya. Le CCIR assure donc une certitude juridique, une clarté et une transparence pour l’utilisateur de la ressource génétique.
Le patrimoine génétique au service de la biodiversité
Le protocole de Nagoya a été adopté le 29 octobre 2010 au Japon, lors de la dixième Conférence des Parties à la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). Il vise un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques de « plantes, animaux, bactéries ou d’autres organismes, dans un but commercial, de recherche ou pour d’autres objectifs », et devrait permettre de mieux combattre la « Biopiraterie » (l’appropriation illégitime des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles autochtones).
C’est le cas de la plante Iboga. Il s’agit d’un arbuste dont on extrait une poudre utilisée dans la médecine traditionnelle et les cérémonies du bwiti, un ordre initiatique très répandu au Gabon. L’écorce de sa racine concentre une douzaine d’alcaloïdes dont l’ibogaïne, proche de la psilocybine des champignons hallucinogènes.
Or, cette molécule interagit avec des neurotransmetteurs, principalement la sérotonine et le glutamate, et bloque des récepteurs aux opiacés. En clair, des recherches américaines ont démontré que l’ibogaïne enregistre des records dans le sevrage de l’addiction à l’héroïne ou à la cocaïne.
Actuellement, 80% de l’Iboga commercialisé dans le monde provient du Gabon sans que le pays n’en tire un bénéfice. D’où l’utilité de se conformer au cadre juridique offert par le protocole de Nagoya moyennant Certificat de Conformité Internationalement Reconnu (CCIR).
Justice environnementale
L’Afrique est un continent qui abrite une mosaïque de biodiversité. Les espaces forestiers comptent des millions de km et abritent de multiples essences, plantes aromatiques et médicinales, ce qui en fait des ressources génétiques à fort potentiel économique. Elles sont utilisées dans les domaines culinaires, pharmaceutique et cosmétique. Leur manipulation depuis des millénaires a permis aux populations locales de cumuler un savoir-faire sans valeur.
Le protocole de Nagoya permet ainsi aux pays producteurs de ces matières de bénéficier du juste prix à l’exportation de ces produits, et le développement du circuit social et économique local.
Ce protocole a instauré le principe du consentement préalable pour éviter le pillage de la biodiversité génétique locale ou biopiratage pour des raisons commerciales. Il prévoit également la reconnaissance des droits des populations autochtones détentrices de ces connaissances qui permettent de gérer ces ressources. Or, plusieurs ressources ont été pillées et exploités par les laboratoires et les sociétés internationales sans que les dividendes ne reviennent aux pays sources. Le combat ne fait que commencer pour le continent africain pour s’approprier ses ressources au milieu d’une économie mondialisée de plus en plus agressive.