Génocide au Rwanda: la veuve du président Habyarimana entendue dans l’enquête Barril
Agathe Habyarimana, veuve de l’ancien président rwandais et soupçonnée d’être impliquée dans le génocide de 1994, est arrivée mardi matin au tribunal de Paris pour être interrogée dans l’enquête sur le rôle joué par l’ex-gendarme français Paul Barril à l’époque des massacres.
Âgée de 78 ans, Agathe Kanziga, veuve Habyarimana, a été convoquée par un juge d’instruction chargé de cette enquête pour « complicité de génocide », en vue d’être placée sous le statut de témoin assisté, intermédiaire entre le simple témoin et la mise en examen, selon une source proche du dossier.
Mme Habyarimana, que la France a refusé d’extrader au Rwanda sans toutefois lui accorder l’asile en raison des soupçons pesant sur elle, devrait être questionnée sur ses liens avec le capitaine Paul Barril, ex-gendarme de l’Elysée sous la présidence Mitterrand, reconverti dans les années 80 dans la sécurité auprès de chefs d’Etat africains.
Cette information judiciaire contre l’ancien militaire a pour origine des plaintes déposées en 2013 par l’association Survie, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et son antenne française.
Les ONG l’accusent notamment d’avoir signé en mai 1994, au plus fort du génocide, un contrat d’armement de 3 millions de dollars avec le gouvernement intérimaire rwandais (GIR) alors qu’un embargo international avait été imposé par l’ONU.
Paul Barril était à l’époque en lien avec la famille Habyarimana, notamment les fils de l’ancien président.
Au printemps, l’ancien militaire de 74 ans, atteint de la maladie de Parkinson, a été placé sous le statut de témoin assisté, après deux jours d’interrogatoires.
En 2016, plusieurs ex-mercenaires de sa société Secrets, qui l’avaient accompagné en Afrique centrale le 6 mai 1994 à bord d’un Falcon 50, avaient été interrogés en garde à vue, sans faire l’objet de poursuites à ce stade.
Selon l’ONU, environ 800.000 personnes, essentiellement tutsi, ont été tuées en trois mois lors de massacres déclenchés après l’attentat contre le président hutu Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994.
Mme Habyarimana est souvent présentée comme l’une des dirigeantes de l' »akazu », le premier cercle du pouvoir hutu qui, selon ses accusateurs, a planifié et orchestré le génocide, ce qu’elle conteste.
Exfiltrée du pays dès le 9 avril 1994, elle est elle-même visée depuis 2008 par une enquête sur son propre rôle dans le génocide, initiée par une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).
Dans cette procédure, elle a été interrogée une première fois par les gendarmes en 2010 comme simple témoin. Elle a été ensuite entendue une deuxième fois en 2016 par le juge d’instruction qui l’avait placée sous le statut de témoin assisté.