Ethiopie: le Premier ministre annonce une riposte après l’attaque d’un camp militaire dans le Tigré
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a accusé mercredi le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), le parti au pouvoir dans cette région d’Ethiopie, d’avoir « attaqué une base militaire fédérale », et a annoncé une riposte.
Une telle réponse militaire marquerait le début d’un potentiel conflit en Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, en proie à des tensions internes croissantes.
« Le TPLF a attaqué un camp militaire (fédéral) dans le Tigré », a déclaré Abiy Ahmed dans un texte posté sur Facebook et sur Twitter vers 02h00 heure locale.
« Nos forces de défense ont reçu l’ordre (…) d’assumer leur tâche de sauver la nation. Le dernier stade de la ligne rouge a été franchi », a-t-il ajouté.
M. Abiy a déclaré plus tard sur la télévision d’Etat que « des forces déloyales » s’étaient retournées contre l’armée à Mekele, la capitale du Tigré, et à Dansha, une ville de l’ouest de la région.
L’assaut à Dansha a été « repoussé » par des forces de sécurité de la région Amhara, qui borde le sud du Tigré, a-t-il ajouté.
L’attaque a fait « de nombreux morts, des blessés et des dégâts matériels », a dit le Premier ministre dans son intervention télévisée.
Le bureau du Premier ministre a accusé dans un communiqué le TPLF d’avoir habillé ses soldats avec des uniformes semblables à ceux portés par l’armée érythréenne afin « d’impliquer le gouvernement érythréens dans les fausses revendications d’agression contre le peuple du Tigré. »
Dans un communiqué diffusé sur les médias régionaux, le gouvernement du Tigré a déclaré que la direction ainsi que les soldats du commandement du Nord, basé à Mekele, « ont décidé d’être aux côtés du peuple du Tigré et du gouvernement régional » – une revendication qu’il était impossible de vérifier dans l’immédiat.
Il n’était pas possible de corroborer dans l’immédiat les versions des différents gouvernements.
Netblocks, un site qui surveille les coupures internet, a indiqué que ce réseau semblait avoir été coupé dans la région à partir de 01h00 heure locale.
De même, la nature concrète de la réponse militaire fédérale n’était pas clairement établie dans l’immédiat.
La tension est montée d’un cran ces derniers jours entre Addis Abeba et le Tigré, qui ne reconnaît plus l’autorité de l’Etat fédéral depuis que les élections nationales qui devaient se tenir en août dernier ont été reportées.
Rejetant la prolongation par le Parlement fédéral du mandat des députés – nationaux et régionaux – censé expirer en octobre, les leaders tigréens, qui ont dominé la politique nationale pendant près de 30 ans avant l’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed en 2018, ont décidé de tenir unilatéralement des élections dans leur région en septembre.
Depuis, chaque camp considère l’autre comme illégitime. Les sénateurs éthiopiens ont voté début octobre pour une rupture des contacts et des financements entre les autorités fédérales et les responsables du Tigré.
La semaine dernière, ces tensions se sont cristallisées sur le contrôle des personnels et équipements militaires du Tigré.
Vendredi, un général nommé par Addis Abeba avait été empêché d’y prendre son poste par le TPLF et avait dû rebrousser chemin, après avoir été informé que « sa nomination ne serait pas considérée comme légitime ».
– « Jouer avec le feu » –
Le Tigré abrite une part importante des personnels et équipements militaires de l’Etat fédéral, un héritage de la guerre qui avait opposé en 1998-2000 l’Ethiopie à l’Erythrée, qui borde cette région septentrionale.
La région totalise « plus de la moitié de l’ensemble du personnel des forces armées et des divisions mécanisées » du pays, selon un rapport du centre de réflexion International Crisis Group (ICG) publié vendredi.
Dans ce rapport, l’ICG avait mis en garde contre la possibilité d’un « conflit destructeur susceptible même de mettre en pièces l’Etat éthiopien. »
Des officiels tigréens ont récemment déclaré qu’ils ne déclencheraient pas un conflit militaire.
« Nous ne serons jamais les premiers à tirer, ni les premiers à flancher », a déclaré la semaine dernière à l’AFP Getachew Reda, un haut responsable du TPLF.
Mardi soir, quelques heures avant l’annonce du Premier ministre, Wondimu Asamnew, un autre haut responsable tigréen, a déclaré à l’AFP que le gouvernement fédéral était en train d’amasser des troupes à la frontière sud du Tigré – une information qui ne pouvait pas être vérifiée de manière indépendante.
« Je pense que quand on en vient à la mobilisation militaire, il ne s’agit pas d’un jeu d’enfants. Et cela peut déclencher une guerre totale, vous voyez ? Et ce qu’ils font, c’est jouer avec le feu, vous voyez », a dit M. Wondimu.
« Tout peut arriver, à tout moment. Une petite étincelle peut enflammer toute la région. Donc je pense que nous sommes en alerte et je peux assurer que nous sommes capables de nous défendre. »