Tunisie: un blogueur emprisonné après avoir critiqué un magistrat
Human Rights Watch a appelé mardi la Tunisie à « abroger les lois restreignant la liberté d’expression » après la condamnation à deux ans de prison ferme d’un blogueur ayant reproché avec véhémence à un magistrat de ne pas enquêter sur un imam.
Dans une vidéo mise en ligne sur Facebook, puis retirée par son auteur mais relayée par d’autres internautes, cet imam a tenu des propos justifiant le meurtre de personnes insultant ou caricaturant le prophète Mahomet.
Il s’exprimait en référence à la décapitation de l’enseignant français Samuel Paty, décapité le 16 octobre après avoir montré des caricatures du prophète musulman lors d’un cours sur la liberté d’expression.
Wajdi Mahouechi, 31 ans, qui exprime régulièrement ses opinions sur Facebook, a réagi en déplorant le manque de réaction de la justice vis-à-vis de cet imam, qui faisait selon lui l’apologie du terrorisme.
Dans une vidéo mise en ligne le 1er novembre, M. Mahouechi a insulté un magistrat, l’accusant d’être trop « lâche » pour enquêter sur cet imam.
Dès le lendemain, M. Mahouechi a été lui-même arrêté et interrogé par les services de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, selon HRW.
Le 12 novembre, le tribunal de première instance de Tunis l’a condamné à deux ans de prison ferme, a indiqué à l’AFP le porte-parole du tribunal Mohsen Dali. L’imam a également été poursuivi pour ses propos, a souligné M. Dali, qui n’a pas pu confirmer si ce dernier était libre ou en détention provisoire.
Il est notamment condamné pour « calomnie publique » et « outrage à un fonctionnaire », selon HRW, déplorant une peine particulièrement lourde.
« Les codes juridiques de la Tunisie regorgent de lois vagues que les autorités exploitent pour (…) faire taire les voix critiques », a estimé Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW.
« Le Parlement devrait agir rapidement pour amender ou abroger des lois qui sont des reliques du régime autocratique évincé », a-t-il ajouté, alors que la Tunisie s’enorgueillit depuis sa révolution de 2011 d’une liberté d’expression sans précédent.
Selon HRW, depuis 2017, les tribunaux tunisiens ont condamné à la prison six personnes pour des propos critiques tenus publiquement sur les réseaux sociaux.
Amnesty International avait déploré de son côté début novembre les poursuites lancées en Tunisie contre 40 internautes ces deux dernières années pour de simples critiques envers les autorités, appelant Tunis à cesser de s’en prendre à la liberté d’expression sur la base de lois « obsolètes ».