Tunisie. Jardin d’Afrique, un cimetière-jardin pour les migrants
Un cimetière fleuri accueille les dépouilles de migrants inconnus morts sur le chemin de l’Europe, pour leur rendre leur dignité et peut-être un jour leur nom.
Porte traditionnelle du XVIIe siècle, allées de céramiques peintes à la main et, sous une harmonieuse coupole blanche, une salle de prière pour toutes les religions : le Jardin d’Afrique est l’œuvre de Rachid Koraïchi, artiste et homme de foi algérien.
Les migrants enterrés là, « damnés de la mer », ont « affronté le Sahara, des gangsters, des terroristes », parfois la torture ou un naufrage, souligne-t-il. « Je voulais leur faire un début de paradis », après l’enfer de la traversée.
L’artiste a acheté ce terrain à Zarzis, près de la frontière libyenne, en 2018. Cette semaine, le cimetière a été inauguré par la directrice de l’Unesco Audrey Azoulay.
Un lieu de prière a été construit, ainsi que des bâtiments prévus pour faire des autopsies sur place, afin de faciliter le travail d’identification.
Les analyses sont actuellement effectuées par l’hôpital de Gabès, à 140 kilomètres de là, obligeant les autorités à transporter les dépouilles dans des conditions précaires.
Avec le « jardin d’Afrique » à #Zarzis, l’artiste Rachid #Kouraichi offre la beauté à ceux qui n’avaient pas de sépulture. Son geste témoigne de notre humanité commune et dit que chacun a le droit à cette dignité. #migrants #Mediterranee @ONUinfo @GHAZIGHERAIRI pic.twitter.com/BivLccu1QM
— Audrey Azoulay (@AAzoulay) June 10, 2021
Vicky, une Nigériane de 26 ans, arrivée en Tunisie à pied après plusieurs vaines tentatives de rejoindre l’Italie depuis la Libye, a la gorge serrée en balayant les allées :
« Beaucoup de vies ont été perdues. Beaucoup de personnes qui voulaient se rendre en Europe mais n’ont pas réussi. Beaucoup de personnes qui ont de la famille, en train de les chercher sans savoir qu’ils sont morts. Voir ces tombes me rend très triste. »
Dans l’ancien cimetière, un terrain sablonneux près d’une ancienne décharge, les cantonniers municipaux aidés de bénévoles ont enterré plus de 600 inconnus.
Seule la sépulture d’une Nigérienne, Rose-Marie, est marquée par un peu de béton et quelques fleurs.
Depuis le début des années 2000, la municipalité de Zarzis, l’une des rares à prendre en charge les dépouilles de migrants dans la région, en a inhumé plus de 1 000, venus d’Afrique, d’Asie ou simplement de communes voisines.