Au Kenya, les parcs naturels se vident de leurs animaux en raison de la secheresse
Si la sécheresse qui sévit actuellement au Kenya a plongé des millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire, c’est au tour de la vie sauvage de subir les lourdes conséquences de cette vague, la pire en 40 ans.
L’ensemble de la région de la Corne de l’Afrique est traversé pour la 4e année consécutive par une sécheresse décrite par les spécialistes comme la plus sévère en 40 ans. En plus des 18 millions de personnes affectées par le phénomène, ils sont pas moins de 7 millions de têtes de bétails qui ont péri à cause de cette catastrophe.
Alors que les bétails pouvaient compter sur les éleveurs pour atteindre les points d’eau et de pâturages, les animaux sauvages, bien que perçus par les autorités kényanes comme un trésor national, ne pouvaient pas bénéficier de ce privilège et ont commencé à perdre en effectif.
Un rapport du Wildlife Research Training Institute (WRTI) a dressé un sombre bilan en matière de pertes d’animaux sauvages au Kenya entre février et octobre 2022, faisant état de centaines d’animaux morts dans les réserves de faune sauvage, dont notamment des éléphants et des zèbres de Grévy, une espèce menacée.
Au cours des neufs derniers mois, plus de 200 éléphants, 512 gnous, 381 zèbres, 12 girafes et 51 buffles ont succombé à la sécheresse qui continue de ravager 23 des 47 comtés du pays, détaille le rapport, précisant que 14 espèces ont été particulièrement touchées par la situation climatique, parmi lesquelles le zèbre de Grévry.
Selon l’Institut, bon nombre de ces animaux sauvages vivait dans des parcs nationaux, la principale attraction touristique du pays, où ils ont été découverts sans vie en raison de l’épuisement des ressources alimentaires et des pénuries d’eau.
Dans une déclaration à la MAP, l’analyste en développement durable, Joan Nelima, estime que cette situation aurait pu être évitée si les autorités avaient pris au sérieux les défis posés par le changement climatique.
Pour la chercheuse kényane, les effets du changement climatique et le manque d’allocation de fonds permettant de mettre en place les politiques d’atténuation appropriées ont contribué à la perte de ce nombre élevé d’animaux sauvages, qui, note-t-elle, sont une source importante de revenus pour le Kenya, eu égard à la contribution des réserves naturelles aux recettes touristiques générées par le pays.
Dans le domaine de l’environnement et du développement durable, les composantes prévision et planification sont primordiales, a-t-elle relevé, notant que les effets du changement climatiques étaient visibles et les répercussions actuelles étaient prévisibles depuis bien longtemps.
La mort de ces animaux aurait pu être évitée si les responsables avaient planifié des opérations pour atténuer les effets de la sécheresse au niveau des réserves naturelles, explique l’analyste kényane
Alors que la communauté internationale prend de plus en plus conscience de l’importance du financement climatique dans les pays du sud, des fonds dédiés à l’atténuation et l’adaptation devront voir le jour et aider à prévenir les pertes et les dégâts, à la fois pour les animaux sauvages et pour leurs écosystèmes, a-t-elle souligné.
Dans la même lignée et afin de minimiser les dégâts et sauver les animaux qui luttent encore, le Wildlife Research Training Institute, a appelé les autorités à acheminer de l’eau ainsi que des compléments alimentaires dans les écosystèmes les plus touchés d’Amboseli qui figure parmi les zones les plus touchées par la mortalité de la faune.
Un vœu aussitôt exaucé par le gouvernement, qui a lancé une opération d’acheminement de foin et d’autres aliments pour animaux sauvages du Parc naturel d’Amboseli.
Le vice président kényan Rigathi Gachagua, qui supervisait le lancement de l’opération, a fait savoir que le gouvernement a alloué plus de 800.000 dollars à cette initiative.
Par ailleurs, les auteurs du rapport préconisent l’allocation de fonds supplémentaires pour soutenir le recensement national de la faune, prévu en 2024, afin d’établir l’impact réel de la sécheresse actuelle sur les effectifs d’animaux dans l’ensemble des réserves naturelles touchées.
Dans un pays où tourisme et faune vont de paire, la vie sauvage est un moteur essentiel du développement du tourisme, qui représente près de 9% du PIB, selon les chiffres de 2020.
Un parc naturel qui se vide de ses animaux est une attraction touristique en moins pour le Kenya, qui lutte tant bien que mal pour réaliser sa relance post-pandémie, mais qui fait face à d’autres crises toutes aussi dévastatrices, telles que le changement climatique et les effets de la crise russo-ukrainienne.
Pour les spécialistes, des politiques d’adaptation et d’atténuation s’imposent plus que jamais, afin de préserver la vie dans les parcs nationaux, véritables poumons du Kenya.