Le pape attendu en RDC et au Soudan du Sud en messager de paix
Faire taire les armes dans deux pays d’Afrique en proie aux violences: le pape François devrait plaider l’urgence de la paix lors d’une visite très attendue en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud la semaine prochaine.
Pour son quarantième voyage à l’étranger, le pontife argentin se rendra mardi à Kinshasa avant de rejoindre Juba, capitale du Soudan du Sud, du 3 au 5 février.
Initialement prévue en juillet 2022, cette visite avait été reportée en raison des douleurs au genou du pape de 86 ans, qui se déplace en chaise roulante. Mais plusieurs sources avaient invoqué des risques de sécurité à Goma, dans l’est de la RDC, une étape finalement supprimée.
Au total, Jorge Bergoglio prononcera douze discours et rencontrera, outre les autorités, des victimes de violences, des personnes déplacées, des membres du clergé et des représentants d’oeuvres caritatives.
Parmi les thématiques attendues figurent le défi du réchauffement climatique et de la déforestation, l’éducation, les problématiques sociales et sanitaires et le soutien à la communauté chrétienne, a précisé le porte-parole du Saint-Siège, Matteo Bruni, assurant qu' »aucune menace spécifique » ne pesait sur la sécurité du pape.
Mais c’est bien l’appel à la paix qui constituera l’enjeu majeur dans ces deux pays ravagés par les conflits: les violences armées depuis un quart de siècle au Nord-Kivu, en RDC, et une guerre civile sanglante au Soudan du Sud, qui ont poussé des millions de personnes sur les routes.
A Kinshasa, capitale du plus grand pays catholique d’Afrique où l’Eglise joue un rôle central, plus d’un million de fidèles sont attendus mercredi pour l’une des plus grandes messes du pontificat de François depuis son élection en 2013.
Sur les étals, les commerçants vendent des casquettes, T-shirts et pagnes frappés du portrait du jésuite argentin, premier pape à fouler le sol congolais depuis Jean Paul II en 1985, tandis que banderoles et panneaux géants rivalisent de messages de bienvenue.
« On est très content de le recevoir, j’attends de lui un message de paix, en ce moment où la RDC est tourmentée », confie Emmanuelle Wemu,une fidèle qui espère une « réconciliation avec le Rwanda », accusé par la RDC de soutenir les rebelles du M23.
« La voix du pape portera surement un grand encouragement, mais aussi un coup de fouet à la classe politique pour résoudre les problèmes du pays », explique à l’AFP Mauro Garofalo, responsable des relations internationales de la communauté Sant’Egidio, engagée dans la lutte contre la pauvreté et pour la résolution des conflits.
L’est de la RDC compte quelque 120 groupes armés, dont des rebelles islamistes prenant pour cible des civils. Cette visite intervient d’ailleurs deux semaines après un attentat meurtrier revendiqué par le groupe Etat islamique (EI) dans une église pentecôtiste du Nord-Kivu.
Malgré ses multiples ressources, « le Congo incarne aussi l’injustice sociale, le scandale du sous-développement et de la pauvreté », souligne Samuel Pommeret, chargé de mission à l’ONG catholique CCFD-Terre Solidaire pour la région des Grands Lacs. « Le pape pourra aussi délivrer un message pour les acteurs économiques qui bénéficient de ces richesses. »
Au Soudan du Sud, Etat le plus jeune du monde, indépendant depuis 2011, le pape sera accompagné de l’archevêque de Canterbury, chef de l’Eglise d’Angleterre, et du modérateur de l’Assemblée générale de l’Eglise d’Ecosse, représentants des deux autres confessions chrétiennes de l’ancienne colonie britannique.
Ces trois Eglises sont activement impliquées dans le processus de paix et l’œcuménisme devrait occuper une place prépondérante, notamment lors d’une prière samedi.
Eprouvé par une instabilité chronique, ce pays pauvre de 11 millions d’habitants a sombré dans une sanglante guerre civile en 2013 opposant les ennemis jurés Riek Machar et Salva Kiir, qui a coûté la vie à près de 400.000 personnes.
Malgré un accord de paix signé en 2018, des querelles persistent entre les deux rivaux et les violences se poursuivent.
« C’est un élément très important dans la crise: le travail commun des Eglises chrétiennes peut constituer un antidote à l’ethnicité et aux rivalités politiques », assure M. Garofalo.
En 2019, elles avaient organisé une « retraite spirituelle » au Vatican avec les représentants politiques du pays. Le pape avait à cette occasion embrassé les pieds des deux leaders rivaux pour les supplier de faire la paix, un geste fort qui avait marqué les esprits.