Les Sénégalais élisent leur nouveau président
Les Sénégalais se sont déplacés apparemment en nombre dimanche pour élire leur cinquième président lors d’un scrutin à l’issue totalement imprévisible après trois années d’agitation et de crise politique.
Des dizaines d’électeurs ont fait la queue dans le calme devant différents bureaux, ont constaté les journalistes de l’AFP. Un certain nombre d’électeurs qui s’étaient réveillés pour la prière matinale du mois de jeûne avant le lever du jour se sont ensuite rendus directement dans les bureaux. Mais une appréciation exacte de la participation (de 66% en 2019) était difficile.
Le chef de l’opposition antisystème Ousmane Sonko, qui a voté dans son fief de Ziguinchor (sud), a parlé de mobilisation record, notamment des jeunes sur lesquels son camp fonde ses espoirs.
Les jeunes « sont massivement venus dans les bureaux de vote dès 6 heures », a-t-il dit. « Nous sommes convaincus qu’à l’issue de cette journée la victoire sera éclatante » pour son second, Bassirou Diomaye Faye, candidat à sa place du fait de sa disqualification.
Les bureaux sont ouverts jusqu’à 18H00 (locales et GMT). De premiers résultats provisoires officieux pourraient être publiés dans la nuit.
Le président sortant Macky Sall, qui a voté avec son épouse à Fatick (centre-ouest), a mis en garde contre les revendications de victoire prématurées.
« Il n’appartient ni à un candidat, ni à un camp, de proclamer une victoire ou des résultats », a-t-il dit.
Quelque 7,3 millions d’électeurs sont appelés à choisir entre le candidat du pouvoir Amadou Ba et 16 concurrents, parmi lesquels Bassirou Diomaye Faye et une femme.
Amadou Ba, 62 ans, dauphin et Premier ministre il y a encore quelques semaines du président Sall, et Bassirou Diomaye Faye, 43 ans, le « candidat du changement de système » et d’un « panafricanisme de gauche », sont donnés favoris d’une compétitition qui tranchera entre continuité et changement peut-être radical.
Ils affirment tous deux pouvoir l’emporter dès dimanche sans passer par un second tour, qui paraît probable, mais dont la date n’est pas fixée. L’ancien maire de Dakar Khalifa Sall, 68 ans, est cité comme outsider.
Le scrutin est suivi avec attention, le Sénégal étant considéré comme l’un des pays les plus stables d’une Afrique de l’Ouest secouée par les putschs. Dakar maintient des relations fortes avec l’Occident, tandis que la Russie renforce ses positions alentour.
La société civile, l’Union africaine, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union européenne déploient des centaines d’observateurs.
Les Sénégalais devaient initialement voter le 25 février. Les urnes et les bulletins de dimanche arborent toujours cette date.
Le report du vote a déclenché des violences qui ont fait quatre morts. Plusieurs semaines de confusion ont mis à l’épreuve la pratique démocratique du Sénégal, jusqu’à ce que soit arrêtée la date du 24 mars. La campagne a été réduite à deux semaines, en plein mois de jeûne musulman.
C’est la première fois qu’un président sortant ne se présente pas à sa réélection.
Amadou Ba se présente en continuateur de son action et en rempart contre les « aventuriers » et les « amateurs ».
Il doit cependant assumer l’héritage du président Sall, une pauvreté persistante, un chômage élevé, un endettement lourd, le départ en pirogue de milliers de personnes chaque année pour l’Europe, et les centaines d’arrestations de la période récente.
Le pays a connu depuis 2021 des épisodes de troubles causés par le bras de fer entre Ousmane Sonko, guide du candidat Diomaye Faye, conjugué aux tensions sociales et au flou longtemps maintenu par le président Sall sur sa candidature à un troisième mandat. La crise s’est prolongée avec le report de la présidentielle.
Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées, mettant à mal l’image du pays, injustement selon le gouvernement.