Affable et populaire, Cyril Ramaphosa reste à la tête de l’Afrique du Sud
Qualifié de « brillant » par Nelson Mandela, le président sud-africain Cyril Ramaphosa, 71 ans, ancien syndicaliste devenu homme d’affaires richissime, a été reconduit vendredi à la tête de l’Etat, grâce à l’alliance de son parti l’ANC avec une partie de l’opposition.
Dans la foulée d’un revers électoral majeur pour le Congrès national africain (ANC) aux législatives fin mai, les talents de négociateur de l' »Oncle Cyril », comme est souvent surnommé le président affable et populaire, ont joué un rôle essentiel dans sa survie politique.
Après d’intenses discussions avec l’opposition, comme au sein de l’ANC où l’option centriste choisie pour former un gouvernement de coalition a suscité des remous sur sa gauche, M. Ramaphosa a réussi son pari, remportant 283 votes au Parlement qui compte 400 députés.
En coalition notamment avec le premier parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA, libéral), M. Ramaphosa va mener le pays vers une transition démocratique inédite, après trente ans de règne sans partage de l’ANC, ex-mouvement de libération qui a débarrassé le pays de l’apartheid.
Il devrait être investi mercredi à Pretoria, selon une source gouvernementale.
En décembre 2022, l’ANC, divisé et en perte de vitesse, avait reconduit M. Ramaphosa comme leader, l’adoubant pour un second mandat à la tête du pays, en dépit d’un scandale au parfum de corruption.
Un mois plus tôt, une commission parlementaire avait assuré qu’il pourrait avoir enfreint la loi: dans le cadre d’un cambriolage dans l’une de ses propriétés en 2020, des liasses de dollars avaient été retrouvées cachées dans un canapé.
Il n’avait signalé le casse ni à la police ni au fisc. Il n’a pas été inculpé mais la question de son maintien à son poste s’était posée. Faute de successeur crédible, l’ANC avait imposé à ses élus un plein soutien.
Cyril Ramaphosa a succédé au sulfureux Jacob Zuma en 2018, faisant de la lutte contre la corruption une priorité.
Mais le scandale de sa ferme de Phala Phala (nord-est) a fait « douter de sa probité et rappelle qu’il n’est pas un surhomme », souligne la politologue Susan Booysen.
Fils de policier, Cyril Matamela Ramaphosa, né en 1952, a grandi à Soweto, foyer de la lutte contre l’apartheid. Parlant toutes les langues du pays, il a longtemps convoité le pouvoir.
Étudiant en droit, il milite contre le régime raciste et passe onze mois à l’isolement en prison. Il se tourne vers le syndicalisme, rare moyen légal de contester l’apartheid. En 1982, il fonde le puissant syndicat des mineurs qui fait trembler le pouvoir blanc à coup de grèves massives.
A la sortie de prison en 1990 de l’icône Nelson Mandela, M. Ramaphosa rejoint ses équipes et contribue à la transition démocratique. Il est candidat à la présidence de l’ANC en 1999, mais le parti lui préfère Thabo Mbeki.
Il s’éloigne alors de la politique, se tourne vers les affaires et bénéficie de la politique d’émancipation économique des Noirs. Avec sa holding Shanduka, un temps propriétaire des licences locales de McDonald’s et Coca-Cola, il fait fortune, figurant parmi les Africains les plus riches du classement Forbes.
Marié trois fois – son épouse actuelle Tshepo Motsepe est la soeur du patron du football africain Patrice Motsepe -, ce père de cinq enfants nourrit une passion pour l’élevage de bovins rares, qui lui vaudra d’être surnommé « le buffle ».
Il revient en politique, d’abord comme vice-président de l’ANC en 2012, puis du président Zuma en 2014. Ce qui lui vaudra plus tard d’être critiqué pour être resté muet et ne pas avoir agi pendant cette période de corruption effarante.
Zapiro, caricaturiste le plus célèbre du pays, continue de le dessiner « sans colonne vertébrale ou en faux super-héros ».
Patient et fin stratège, il prend enfin la tête de l’ANC en 2017. Une fois Zuma évincé l’année suivante, il prend les rênes du pays.