Nigeria: un tribunal tranche la querelle entre deux émirs de Kano
Un tribunal au Nigeria a tranché la querelle jeudi entre deux dirigeants traditionnels revendiquant le titre d’émir de Kano, la plus grande ville du nord du pays, sans pour autant mettre fin au conflit politique qui dure depuis plusieurs semaines.
Le juge du tribunal de Kano, Abdullahi Muhammad Liman, a annulé la réintronisation de Muhammadu Sanusi II en tant qu’émir de Kano et a reconnu son prédécesseur détrôné, Aminu Ado Bayero, comme l’occupant légitime du trône, après des semaines de tension entre les partisans des deux émirs.
L’émir de Kano est, par tradition, le deuxième plus haut dignitaire islamique du Nigeria, après le sultan de Sokoto.
Le mois dernier, le gouverneur de l’Etat de Kano, Abba Kabir Yusuf, a rétabli l’ancien émir Muhammadu Sanusi II sur le trône, quatre ans après sa destitution par le gouverneur précédent au profit d’Aminu Ado Bayero, lequel a été destitué.
Une décision « nulle et non avenue », selon le juge Liman.
Mais le gouvernement de l’Etat de Kano a dit vouloir faire appel du jugement.
La tension est montée dans la ville depuis le début de la querelle royale, surnommée « Game of Thrones » par les habitants.
Alors que Sanusi s’est installé dans le palais où il tient sa cour quotidienne, Bayero est logé dans une demeure royale située à quelques kilomètres de là, où il reçoit les hommages de ses partisans. Les deux palais sont lourdement gardés par militaires et policiers.
Le bras de fer entre Sanusi et Bayero est en fait un combat par procuration entre deux anciens gouverneurs de cet Etat.
Sanusi a été nommé en 2014 14e émir de Kano par le gouverneur de l’État de Kano de l’époque, Rabiu Musa Kwankwaso.
En 2015, la donne a changé pour Sanusi lorsque Abdullahi Umar Ganduje a succédé à Kwankwaso en tant que gouverneur.
Ganduje, qui est l’actuel président national de l’APC (au pouvoir), était le bras droit et le protégé politique de Kwankwaso lorsque Sanusi a été nommé émir, mais les deux se sont brouillés et sont devenus des adversaires politiques.
Sanusi a été détrôné en 2020 pour « manque de respect » et « insubordination » envers le gouvernement de l’État.
Les chefs traditionnels au Nigeria n’ont aucun pouvoir constitutionnel mais leur influence sur la société est énorme. Leur patronage peut être déterminant lors des élections.
Ainsi, les gouverneurs ont tout intérêt à avoir des émirs qui leur sont favorables afin de se maintenir au pouvoir.
En rappelant Sanusi sur le trône de Kano, le gouverneur Yusuf voulait à la fois consolider son autorité politique, celle de son protecteur Kwankwaso, et celle de leur nouveau parti, le New Nigeria People’s Party (NNPP).
De son côté, Ganduje tient à maintenir Bayero sur le trône pour assurer sa propre influence et celle de son parti, l’APC.