Zimbabwe: ruée vers l’Afrique du Sud, à la réouverture des frontières
De nombreux Zimbabwéens se sont rués vers les supermarchés sud-africains, dès la réouverture des frontières du plus riche pays du continent.
Pays africain le plus touché par le Covid-19, l’Afrique du Sud a rouvert jeudi ses frontières internationales après six mois de fermeture pour lutter contre la pandémie.
Les autorités sud-africaines s’attendaient dès la levée des restrictions de voyage à un afflux, notamment par des passages illégaux, des habitants d’un Zimbabwe rongé par une économie moribonde, la pauvreté et des pénuries de la plupart des produits de première nécessité.
Et des centaines de personnes ont en effet été arrêtées alors qu’elles tentaient de repasser illégalement la frontière, les bras chargés de courses.
Memory Chauke s’est faite prendre sur un petit chemin de gravier, à environ 500 mètres du poste-frontière officiel de Beitbridge, alors qu’elle tentait de rejoindre son village.
Crocodiles
Assise sous un grand arbre épineux, un air sombre et visiblement épuisée, elle est entourée de sacs de provisions.
« C’est ma première (arrestation), d’habitude je cours », raconte-t-elle à l’AFP. « Aujourd’hui, je n’ai pas pu ».
Cette mère de cinq enfants a marché plus de 20 kilomètres pour rejoindre Musina, la ville la plus au nord d’Afrique du Sud. Marchande de rue, elle avait acheté des produits qu’elle pensait revendre une fois revenue au Zimbabwe.
« Là où nous sommes, il n’y a pas de nourriture, pas assez, nous avons faim », dit-elle. Au même endroit, d’autres sont assis par terre, chargés de paquets de farine de maïs, de carburant ou même de canapés et de lits, attendant de voir le sort qui va leur être réservé.
De nombreux Zimbabwéens dépendent des produits achetés en Afrique du Sud pour leur approvisionnement de base, et le commerce informel entre les deux pays est devenu une activité lucrative.
Certains se risquent même à traverser le Limpopo, rivière infestée de crocodiles qui sépare les deux pays, pour accéder aux magasins sud-africains où les prix sont plus abordables.
« C’est dangereux mais je n’ai pas le choix », explique Memory Chauke, qui n’a toutefois pas osé passer la frontière pendant le confinement.
Tout ce qu’elle espère maintenant c’est obtenir l’indulgence des gardes frontières et retrouver ses enfants.
« Ventre vide »
Les autorités zimbabwéennes avaient annoncé une reprise des voyages internationaux le 1er octobre, comme son voisin sud-africain.
Mais l’un des points de passage les plus fréquentés du continent africain, le poste-frontière de Beitbridge situé entre le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, est resté fermé côté zimbabwéen.
Les voitures recevaient ordre de faire demi-tour, seuls les véhicules commerciaux étaient toujours autorisés à passer.
« Nous n’avons pas encore ouvert le poste-frontière de Beitbridge », a déclaré jeudi aux médias locaux le ministre de l’Intérieur zimbabwéen Kazembe Kazembe, sans donner plus de précision.
Mais cela n’a pas arrêté ceux qui ont emprunté des passages illégaux, nombreux, selon les gardes frontières sud-africains, qui disent avoir procédé à de multiples arrestations et confisqué des marchandises de toutes sortes.
« Un ventre vide est capable de tout », a expliqué à l’AFP un responsable, David Mathetsha.
Avant la crise sanitaire, des milliers de Zimbabwéens entraient chaque jour en Afrique du Sud: « on pouvait arrêter la même personne 20 fois », rappelle-t-il.
La frontière séparant l’Afrique du Sud et le Zimbabwe est notoirement poreuse depuis sa désélectrification en 1994.
Un projet de plusieurs millions de rands pour la rétablir a été jugé cette année inadéquat et trop cher par le Parlement sud-africain.