En Tunisie, début d’une présidentielle pour laquelle Kais Saied part favori
Les Tunisiens ont commencé à voter dimanche lors d’un scrutin présidentiel pour lequel le chef d’Etat sortant Kais Saied, accusé de « dérive autoritaire », part favori après l’élimination de la plupart de ses concurrents les plus solides.
Les bureaux de vote ont ouvert à 08H00 (7H00 GMT) pour accueillir 9,7 millions d’électeurs inscrits et fermeront à 18H00 locales avec des résultats prévus « au plus tard mercredi ».
Dans le berceau des révoltes pro-démocratie du Printemps arabe en 2011, seuls deux candidats — considérés par les analystes comme des seconds couteaux — ont été autorisés à affronter M. Saied, 66 ans, sur initialement 17 postulants, écartés pour des irrégularités présumées.
Dans le centre de Tunis, le président du bureau de rue de l’Inde, Nouredine Jouini, a constaté « un bon afflux de votants, en majorité des plus de 40 ans », assurant avoir « accueilli 200 personnes » en une demi-heure de vote, selon une journaliste de l’AFP.
Une tendance confirmée peu avant 9H00 par le président de l’autorité électorale Isie, Farouk Bouasker, qui s’est réjoui d’une « affluence considérable ».
« Je suis venu soutenir Kais Saïed, toute la famille va voter pour lui », déclare à l’AFP Nouri Masmoudi, 69 ans. Une autre électrice Fadhila, 66 ans, vote « en réponse à ceux qui ont appelé au boycott ».
Dans un autre bureau du centre, Hosni Abidi, 40 ans, redoute une manipulation des urnes: « je ne veux pas qu’on choisisse à ma place, je veux cocher moi-même la case de mon candidat ».
A Bab Jedid, un quartier populaire, l’AFP a vu surtout des personnes âgées, moins nombreuses que dans d’autres bureaux.
M. Saied s’est rendu tôt, vers 9H00, pour voter avec son épouse dans son centre habituel du quartier aisé d’Ennasr.
Il affronte deux concurrents: Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ex-député de la gauche panarabiste, et Ayachi Zammel, 47 ans, un industriel libéral inconnu du grand public et emprisonné dès confirmation de sa candidature début septembre. En moins d’un mois, cet ancien député a été condamné à 14 ans et deux mois de prison pour des soupçons de faux parrainages, dans trois procédures.
Porteur d’un projet de gauche souverainiste similaire à M. Saied, M. Maghzaoui est pénalisé pour sa part par son soutien récent au président sortant, selon les experts.
Le président « a verrouillé le scrutin » et devrait le « remporter haut la main », affirme l’expert de l’International Crisis Group, Michaël Ayari.
La sélection même des candidats a été contestée pour le nombre élevé de parrainages exigé, l’emprisonnement de candidats potentiels connus, et l’éviction par l’Isie des rivaux les plus solides du président.
M. Saied, élu en 2019 à près de 73% des voix (et 58% de participation), était encore populaire quand ce spécialiste de droit Constitutionnel à l’image d’incorruptible s’était emparé des pleins pouvoirs à l’été 2021, promettant l’ordre après des années d’instabilité politique.
Trois ans plus tard, beaucoup de Tunisiens lui reprochent d’avoir consacré trop d’énergie à régler ses comptes avec ses opposants, en particulier le parti islamo-conservateur Ennahdha, dominant sur la décennie de démocratie ayant suivi le renversement du dictateur Ben Ali en 2011.
Depuis 2021, les ONG tunisiennes et étrangères et l’opposition dont les figures de proue ont été arrêtées, dénoncent une « dérive autoritaire » du pouvoir, via un démantèlement des contrepouvoirs et un étouffement de la société civile avec des arrestations de syndicalistes, militants, avocats et chroniqueurs politiques.
Selon Human Rights Watch, « plus de 170 personnes sont actuellement détenues pour des motifs politiques ou pour avoir exercé leurs droits fondamentaux ».
L’une des inconnues sera la participation qui avait été d’environ 12% au deuxième tour des législatives début 2023 — la plus faible depuis la révolution de 2011 — après seulement 30,5% d’affluence lors d’un référendum promu par M. Saied à l’été 2022 pour réviser la Constitution et réinstaurer un régime ultra-présidentialiste.
Mohamed Aziz, 21 ans, casquette sur la tête et visage juvénile, se dit « motivé par ces élections car choisir la bonne personne pour les cinq ans à venir c’est important ».
Le président Saied jouit encore « d’un soutien non négligeable dans les classes populaires », selon M. Ayari, mais il est « critiqué pour son incapacité à sortir le pays d’une profonde crise économique ».
Avant le vote, M. Saied a promis « la construction d’une nouvelle Tunisie » dans les cinq ans à venir, après « une longue guerre contre les forces du complot sous influences étrangères » ayant « infiltré de nombreux services publics et perturbé des centaines de projets ».
Afp