Décryptage. Pourquoi l’annulation de la dette des pays africains sera-t-elle difficile à réaliser ?
La France et l’Europe vont devoir annuler la dette des pays africains, a déclaré lundi le président français Emmanuel Macron. Or, le principal de cette dette est détenu par la Chine et la finance de l’ombre. Explications.
Pour soutenir les pays du continent africain et préparer l’après-crise du Covid-19, le président Emmanuel Macron a évoqué la crise économique et ses conséquences pour les pays les plus pauvres. En ce sens, il a plaidé pour que la France et l’Europe viennent en aide à l’Afrique, en annulant massivement sa dette.
Une initiative louable pour éviter l’effondrement des économies de ces pays déjà fortement endettés en raison de la chute des prix des matières premières lors de la dernière décennie, les poussant à emprunter de l’argent sur le marché financier international. La crise liée à la pandémie du coronavirus conjuguée à l’effondrement des prix du pétrole a fait que plusieurs pays du continent africain sont entrés dans la zone rouge.
En dix ans, la dette publique africaine s’est creusée pour atteindre le niveau historique des 365 milliards de dollars, au point que la Banque Mondiale a tiré la sonnette d’alarme en 2018. Pour ne rien arranger, la dette africaine est fragmentée. En effet, sur ces 365 milliards 145 sont dus à la Chine, alors que le reste est divisé entre les Eurobonds, ou encore les dettes privées contractées auprès du Shadow banking (la finance de l’ombre) comme BlackRock, le premier gestionnaire d’actifs au monde, qui en fait une dette très compliquée à annuler.
La dette pour financer la dette
Depuis le début de cette crise, le FMI et la Banque mondiale réclament des annulations de dettes ou des rééchelonnements pour les pays africains, mais les besoins de ces derniers en argent frais s’accentuent pour aider les populations qui vivent en majorité grâce à une économie informelle. C’est ainsi que ce mardi 14 avril, le conseil d’administration du Fonds monétaire international a approuvé une aide de 442 millions de dollars pour le Sénégal, afin de dégager de l’argent pour que le pays puisse faire face à l’épidémie de Covid-19. L’aide du Fonds vient de deux facilités qui permettent à un pays d’accéder rapidement à de l’agent en cas d’urgence.
Le Sénégal va toucher 294,7 millions de dollars au titre de l’instrument de financement rapide et un décaissement au titre de la facilité de crédit rapide équivalant 147,4 millions de dollars « pour aider le Sénégal à répondre aux besoins urgents de financement de la balance des paiements qui résultent de la pandémie de COVID-19 », souligne un communiqué du Fonds.
Cependant, le fait de s’endetter plus permet uniquement le remboursement des intérêts de la dette sans investir dans l’économie et les infrastructures de santé, d’éducation…
Dans cette équation qui servira à éponger la dette de l’Afrique, l’effort de l’Europe et les institutions financières internationales sera vain si la Chine n’est pas prête à renoncer plus durablement à récupérer ce qu’elle a prêté à l’Afrique. En clair, la Chine détient les clés de l’Afrique et une négociation avec l’Empire du Milieu passera par plus de facilités d’accès pour les sociétés chinoises sur les ressources de l’Afrique.