L’ONU se félicite de l’arrestation de Kabuga, l’argentier de la « voix de la mort »
Le Secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, s’est félicité de l’arrestation en France de Félicien Kabuga, financier du génocide rwandais. En 1994, la Radio Télévision Libre des Milles Collines, baptisée la « voix de la mort », fut le principal instrument pour diffuser la haine des Tutsis et appeler à leur massacre. Kabuga en était le principal financier.
« L’arrestation de Félicien Kabuga envoie un message puissant selon lequel ceux qui sont présumés avoir commis de tels crimes ne peuvent échapper à la justice et seront finalement tenus responsables, même plus d’un quart de siècle plus tard », a souligné Antonio Guterres dans une déclaration publiée par son porte-parole à New York.
Agé de 84 ans, Kabuga résidait sous une fausse identité, à Asnières-sur-Seine en banlieue parisienne. Il est notamment accusé d’avoir créé les milices Interahamwe, principaux bras armés du génocide qui avait fait 800.000 morts parmi la minorité ethnique Tutsi au Rwanda durant le printemps de 1994.
Massacre On Air
Kabuga a présidé le Comité d’initiative de la Radio Télévision Libre des Milles Collines (RTLM), dont les émissions ont été utilisées par des extrémistes hutus pour inciter à la haine contre les Tutsis et identifier des individus en vue de leur assassinat ultérieur.
La RTLM est créé en 1993. Félicien Kabuga est au cœur du financement de ce média dont le budget total s’élève à 3 millions de francs français, soit plus de 450 000 euros. Son succès repose sur la diffusion de musiques zaïroises, rumbas entraînantes et rythmée, et de groupes rwandais dont les textes relaient la propagande. Le chanteur le plus populaire de l’époque s’appelle Simon Bikindi. Dans son tube « Bene Sebahinzi », il incite les « descendants des cultivateurs à se réveiller ». Il exhorte le peuple majoritaire (les Hutu composaient 85 % de la population) à l’union sacrée contre les « envahisseurs tutsi » qu’il qualifie d’ « éleveurs venus d’Ethiopie ».
La Folie meurtrière
Le 6 avril 1994 au soir, la spirale meurtrière commence vers 21 heures, soit quelques dizaines de minutes après l’attentat contre l’avion du président Habyarimana. Cet événement, qui va déclencher le génocide, est prophétisé deux jours auparavant sur les ondes de la RTLM. « Le 4 ou le 5, il va se passer un petit quelque chose, annonce avec cynisme un animateur, début avril. A Kigali, en ces journées de Pâques, une petite chose est prévue. Cette petite chose va continuer les jours suivants… Hohoho ! »
Kabuga, 84 ans, est également responsable de l’importation de 25 tonnes de machettes chinoises un mois avant le début des massacres, il est accusé de « génocide, complicité, incitation et complot en vue de commettre un génocide et crime contre l’humanité ». La justice internationale offrait 5 millions de dollars pour le moindre renseignement susceptible de conduire à son arrestation.
Incarcéré samedi soir, Kabuga doit être présenté au parquet général de Paris dans les prochains jours. S’en suivra une procédure d’extradition devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, qui décidera de sa remise au Mécanisme international à la Haye pour qu’il y soit jugé.