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Interview. Younous Arbaoui: »Le Maroc gagnerait à introduire la loi relative à l’asile »

La Clinique juridique Hijra s’apprête à lancer, en collaboration avec la Fondation Heinrich Böll, un projet initié par le réseau Migration et Droit International en Afrique, au Moyen-Orient et en Turquie. Younous Arbaoui, chercheur en Droit d’asile et président de l’association revient sur la création de Hijra, sa mission et nous dévoile ses projets. Interview.  

 

Comment est née l’association Clinique Juridique Hijra ?

Hijra a été créée en septembre 2015 par moi même en tant que fondateur avec l’assistance d’un groupe de jeunes étudiants juristes à Tanger. L’idée était d’utiliser la méthodologie des cliniques juridiques après mon expérience à Amsterdam, afin d’établir dans la ville de Tanger, ville clé en matière de migration, un service d’assistance juridique gratuite pour des réfugiés et demandeurs d’asile.

 

Qu’est ce qui a motivé la création de l’association?

La date de sa création n’est pas due au hasard puisqu’on voulait accompagner la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA) mise en place en septembre 2014. La SNIA se compose de 11 programmes, 27 objectifs stratégiques et 81 actions. Dans le cadre du programme N°5 intitulé « assistance sociale et humanitaire », l’objectif spécifique N°8, de ce programme, se réfère directement à « l’assistance juridique aux immigrés ». Hijra est donc l’une des réponses à cette nouvelle politique migratoire et à cet objectif spécifique N° 8.

Quelle est l’activité principale de Hijra?

Notre activité principale est d’offrir l’aide juridique gratuite aux demandeurs d’asile au Maroc. Hijra intervient à tout moment de la procédure d’asile : on assiste le demandeur d’asile à remplir son formulaire d’enregistrement ; on le prépare à son entretien auprès du HCR ; on l’assiste pendant cet entretien et enfin on rédige son recours lorsque cela s’avère nécessaire.

Quel est le profil des demandeurs d’asile que vous accompagnez et quelles sont les raisons qui les incitent à demander l’asile?

La majorité des demandeurs d’asile qui nous contactent sont des hommes adultes (entre 18 et 30 ans), mais il y’a un pourcentage important des mineurs non-accompagnés et des femmes qui nous contactent pour les assister dans la procédure d’asile. En ce qui est des pays d’origine, la majorité des personnes est d’origine Africaine, mais on avait également un demandeur d’asile Brésilien et un autre d’origine Bangladesh. En ce qui concerne les raisons du départ de leurs pays d’origine, certaines personnes ont fui à cause des problèmes politiques, et autres pour des raisons relatives aux violences familiales comme la pratique des mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés.

Que dit la constitution marocaine par rapport aux demandeurs d’asile? 

La Constitution marocaine insiste dans son article 30 sur la nécessité d’introduire une loi nationale sur l’asile et l’un des objectifs de la SNIA est de répondre à cette volonté nationale. Mais, malheureusement, on ne peut pas encore parler d’un droit d’asile marocain vu que le Maroc n’a pas encore introduit une loi spécifiquement portant sur l’asile. Il existe un décret adopté en 1957, fixant les modalités d’application de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, et quelques articles dans la loi n° 02-03 s’appliquent aux demandeurs d’asile, mais une loi nationale sur l’asile n’existe pas encore. La conséquence de ce cadre juridique très limité est que la procédure d’asile au Maroc est exclusivement menée par le HCR.

Le fait que cette loi n’existe pas encore vous bloque t-il dans votre travail? 

L’obstacle majeur est que notre assistance aux demandeurs d’asile s’arrête après la décision finale du HCR. Vu que celle-ci n’est pas une décision administrative, nous ne pouvons pas assister le demandeur d’asile pour faire appel au juge, car seules les décisions administratives peuvent être déférées devant le tribunal administratif. C’est pour cette raison que Hijra mène également un plaidoyer en faveur d’une loi d’asile national afin, entre autre, d’assurer l’accès à la justice pour les demandeurs d’asile.

Quelles sont vos activités parallèles?

A côté de l’assistance directe aux demandeurs d’asile, Hijra mène d’autres activités qui ont comme objectif de promouvoir le droit d ‘asile et migration auprès des étudiants et chercheurs universitaires au Maroc. Ces activités incluent la publication de la Revue Hijra qui est une plateforme de débat sur le droit de la migration et de l’asile au Maroc ; l’organisation de Concours de Plaidoirie Hijra qui donne l’opportunité aux étudiants de se former en droit d’asile et techniques de plaidoirie et enfin, l’organisation de l’Ecole d’été Hijra qui est un programme regroupant un ensemble de cours sur les thèmes liés aux droits des migrants et réfugiés au Maroc.

Quels sont vos projets ?

Nous venons de lancer, en collaboration avec la Fondation Heinrich Böll, un projet initié par le réseau Migration et Droit International en Afrique, au Moyen-Orient et en Turquie (MEDIAMOT). Dans ce cadre, cinq chercheurs africains basés au Maroc sont recherchés pour publier des articles académiques afin de contribuer au débat international dans le domaine de migration et droit international. Nous sommes également en train de lancer un projet qui fait partie du programme ‘Action de coopération Sud-Sud en matière de Migration’, mis en œuvre par la GIZ & Expertise France, et qui concerne le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal. Dans ce cadre, nous allons recevoir un expert Sénégalais qui renforcera le travail de Hijra.

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