Interview. Fouad Amraoui: « L’agriculture est fortement menacée par le manque d’eau »
Au Maroc, le secteur agricole, premier contributeur (14%) du PIB devant le tourisme et l’industrie, est menacé par la rareté de l’eau. Dans le Souss, la sécheresse et l’épuisement de la nappe phréatique mettent à mal de grandes zones agricoles. Le point avec Fouad Amraoui, enseignant-chercheur en hydrologie et président de l’Association de Recherche Action pour le Développement Durable.
-La région d’Agadir souffre d’une sécheresse et d’un épuisement de la nappe phréatique. Comment expliquez-vous cette situation?
Agadir est une région à fort développement agricole et touristique. En agriculture, il y a beaucoup de maraîchages et concernant le tourisme, c’est une ville balnéaire avec énormément d’hôtels et de golfs qui consomment une grande quantité d’eau… C’est une région semi-aride à aride avec très peu de précipitations annuelles: 150 mm de pluies par an seulement.
Dans cette région, il y a la plaine du Souss qui est très importante et qui contient une nappe surexploitée. Le signal d’alarme a été tirée il y a longtemps sur cette région. En 1986 déjà, on a constaté une baisse de 1 à 2 mètres par an. Il a été décidé de construire un barrage à l’entrée de cette plaine d’une capacité de 100 millions de mètres cubes qui permet de stocker l’eau et sauvegarder la plaine des inondations.
Il faut également savoir que ces deux dernières années ont malheureusement été très sèches, ce qui a fortement impacté le taux de remplissage des barrages et cela s’est répercuté sur les exploitations agricoles.
-Les exploitations agricoles de la région du Souss sont très gourmandes en eau. Ce modèle est-il tenable?
Dans des régions pareilles, il faut éviter des cultures qui consomment beaucoup d’eau. Les agrumes, qui sont actuellement les principales cultures de la région consomment environ 12 000 mètres cubes par année. Ce qui est énorme. Il y a eu des efforts pour des irrigations localisées, mais il faudrait aussi passer à la reconversion des cultures, et pourquoi pas interdire à des régions qui sont pauvres en eau d’opter pour des cultures gourmandes.
-Quelles sont les alternatives à ces cultures?
Il y a la possibilité de faire de l’olivier, replanter l’arganier là où il faut.. il y a des cultures de vignobles qui ne consomment pas beaucoup d’eau, certains types de maraîchages sont plus adaptés… Mais il faut absolument réduire les plantations des agrumes.
-Certains évoquent l’usine de dessalement de l’eau de mer comme étant la panacée. Qu’en pensez-vous?
Actuellement, on n’a plus le choix. On doit mobiliser toutes les ressources en eau. Comme la demande est plus forte que l’offre, il faut passer aux offres non conventionnelles, autrement dit, dessaler l’eau de mer, une pratique courante dans le monde entier, le frein étant le coût. Aujourd’hui, on arrive à un prix concurrentiel de seulement 10 dirhams/mètre cube, en comparaison avec les années 90 où le coût de dessalement s’élevait à 50 dirhams/mètre cube.
Il y a actuellement une usine de dessalement en cours de construction à Agadir, l’une des plus grandes au monde. Elle est destinée non seulement à fournir de l’eau potable aux populations mais aussi à l’irrigation agricole pour la région de Chtouka. Elle s’étend sur un terrain de 20 hectares le long de la côte, avec une capacité de 275 000 m3 par jour, extensible à 450 000 m3 par jour. Avec cette station, on devrait être à l’abris de ce type de pénurie…