Interview. François Thomas : » Depuis 2016, l’Aquarius et l’Ocean Viking ont sauvé 32 596 personnes »
Alors que l’Europe ne cesse de se barricader, le flux des migrants qui tentent le passage dans des conditions de plus en plus dangereuses ne s’arrête pas. En mer, l’Ocean Viking et l’Aquarius, deux bateaux opérés par SOS Méditerranée, ne cessent d’apporter les secours aux migrants, malgré les difficultés techniques et les problèmes politiques que cela engendre. Depuis mars 2021, la pandémie induite par la Codiv-19 est venue compliquer le travail des marins et sauveteurs. Ces derniers se sont adaptés pour rester fidèles à leur noble mission. François Thomas, président de SOS MEDITERRANEE, nous en dit plus.
Depuis le retour de l’Océan Viking en mer, le nombre des opérations de sauvetage en méditerranée a explosé. Étiez-vous préparé à cette situation ?
François Thomas, président de SOS MEDITERRANEE : La première mission de SOS MEDITERRANEE est le sauvetage en mer et notre navire l’Ocean Viking opère en Méditerranée centrale dans les eaux internationales. Depuis 2016, l’Aquarius, puis l’Ocean Viking ont effectué 279 opérations de sauvetage et sauvé 32 596 personnes. Les équipes de marins sauveteurs sont très expérimentées sur les sauvetages très particuliers à effectuer face aux détresses en Méditerranée centrale. Malgré cette expérience il faut toujours se remettre en cause et s’entrainer car ce sont des opérations complexes. Les marins sauveteurs à bord sont entrainés à toutes les éventualités. Les témoignages des rescapés ces derniers années sont unanimes, ils font état de viols, tortures, esclavage, de très graves atteintes aux droits humains, après des mois, parfois des années en Libye ils nous disent « plutôt mourir en Méditerranée que rester dans l’enfer libyen ». Les tentatives de traversée au départ de la Libye se multiplient dès que les conditions météorologiques sont favorables, qu’il y ait des navires de sauvetage ou pas dans la zone. Après une longue période de mauvais temps, l’amélioration des conditions météorologiques a favorisé de nombreux départs des côtes tunisiennes et libyennes.
2 – Est-ce que le risque d’infection au covid-19 de certains rescapés n’a pas compliqué vos procédures de prise en charge des rescapés ?
Dès le développement de la pandémie en Europe, SOS MEDITERRANEE a pris le temps de mettre en place des protocoles très stricts pour gérer d’une manière responsable et conforme aux règles internationales les mesures sanitaires nécessaires à bord : quarantaine avant embarquement des membres d’équipage, test COVID dans les 72 h avant embarquement de l’équipe de marins sauveteurs et de l’équipe médicale, zone de décontamination.
Des mesures strictes d’hygiène et de distanciation sociale ont été mises en place à bord, sur la base des directives de l’OMS, de l’OMI et en conformité avec le pavillon norvégien du navire.
Lors des opérations de sauvetage les marins sauveteurs sont équipés de masques, lunettes, vêtements de protection et ont des protocoles très stricts. Les opérations de sauvetage dans ce contexte sont moins aisées mais les équipes sont entrainées. La température des personnes rescapés est contrôlée, des masques sont distribués et des tests sont effectués.
La mise en place de mesures anticovid sur un navire de 69m de long et 15m de large n’est pas simple. Nous avons mis en place des mesures pour atténuer le risque de propagation de la COVID 19 à bord et pour identifier et gérer les cas suspects. Des tests antigéniques rapides sont disponibles à bord. Toute personne suspectée d’être symptomatique est isolée et testée immédiatement.
Après cinq mois de blocage par les autorités italiennes, quels sont vos rapports avec ce pays quand il s’agit de débarquement des rescapés.
L’Ocean Viking a été bloqué cinq mois par les autorités italiennes. Le motif principal de la détention du navire était une interprétation par ces mêmes autorités, de l’application de règlements internationaux relatifs à la sécurité. L’Ocean Viking respecte totalement les exigences réglementaires internationales de sécurité, tous ces certificats émis par l’Etat du pavillon, en l’occurrence la Norvège, sont conformes et valides.
Afin de libérer le navire nous avons coopéré avec toutes les parties concernées : autorités italiennes, autorités norvégiennes, l’armateur et la société de classification. Bien que l’Ocean Viking était tout à fait conforme aux exigences réglementaires relatives à ce type de navire, nous avons mis en place à bord de nouveaux équipements d’urgence tels que requis par les autorités italiennes. Notre premier objectif était de reprendre la mer le plus rapidement possible afin de pouvoir répondre aux nombreux appels de détresse en Méditerranée centrale. Depuis le début de l’année, les équipes à bord de l’Ocean Viking ont sauvé 797 personnes. Le débarquement des rescapés a eu lieu en Italie en coopération avec les autorités italiennes.
Dans le cadre des règlements internationaux relatifs à la recherche et au sauvetage, nous coopérons avec toutes les autorités concernées conformément au droit maritime afin de pouvoir débarquer les personnes rescapées dans un lieu sûr le plus rapidement possible.