Des motos géantes pour désenclaver les villages du Cameroun
Le véhicule porte huit personnes, dévale une route de terre de l’ouest du Cameroun. Ce n’est pas un pick-up, encore moins une camionnette, mais une moto « gros porteurs » qui suscite étonnement et admiration sur son passage.
A Bayé, un petit village qui vit de l’agriculture, les motos mesurent plusieurs mètres de long et acheminent hommes et marchandises jusqu’à Bafoussam, la principale ville de la région, située à une quinzaine de kilomètres.
La boue, les trous, le poids des marchandises et des personnes… Rien ne semble pouvoir faire obstacle à ces engins métalliques de plus de trois mètres de long qui avancent entre les plantations, le moteur vrombissant.
Ces motos sont une aubaine pour les agriculteurs, qui vivent dans des villages où les voies sont impraticables pour les autres véhicules.
Avec des routes dans un tel état, difficile d’acheminer les produits des champs vers les marchés de la ville de Bafoussam.
Bien sûr, ces motos ne sont pas des plus confortables, mais elles permettent de transporter les fruits et légumes à moindre coût.
« Ces motos nous aident beaucoup. Les voitures ne descendent pas aux champs, il n’y a que les benskineurs (les motos-taxis, ndlr) qui descendent nous chercher », explique Elisabeth Ninkam, agricultrice.
« Sans eux, nos bananes plantains, les tomates, les taros, le maïs ou les haricots pourrissent aux champs. Là où nous sommes, la voiture n’a pas accès vu l’état de la route. Il n’y a que les motos comme cela pour sortir nos cultures », abonde Makam Rose, elle aussi agricultrice.
Système D
Pour les conducteurs de motos « gros porteurs », les gains aussi sont importants. Ils varient de 10.000 francs CFA à 15.000 francs CFA (de 15 à 22 euros) alors que les conducteurs de motos ordinaires peinent à avoir une recette journalière de 5.000 FCFA (7 euros).
A Bafoussam, dans un petit garage en terre battue, Emmanuel Wembe et Kuate Bachile, deux mécaniciens inventifs et ingénieux, réalisent ces « motos gros porteurs ».
Ils transforment le châssis, le soude et l’adapte avec des supports en fer. Enfin, ils ajoutent les amortisseurs. Des motos sur mesure.
« On fabrique la moto selon la commande du client. Ça commence à partir de 4 places, jusqu’à 10 places », souligne M. Wembe.
« Il y a beaucoup de risques, d’abord au niveau de la gestion de l’équilibre », nuance cependant Ngaleu Michel, enseignant en mécanique automobile au lycée technique de Bafoussam, qui pointe les éventuels dommages en cas de chute ou de crevaison.
Mais dans la ville de Bafoussam, les passants regardent avec curiosité ces monstres rugissants, qui gagnent en popularité, et désenclavent les villages pas ou peu accessibles aux voitures.