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Côte d’Ivoire. Une émission télévisée sur le viol suscite l’indignation générale

« Ecoeurant », « humiliant », « inadmissible »: une émission télévisée censée dénoncer le viol et mettant en scène un ancien violeur présumé, un animateur et un public complaisants, a soulevé mardi l’indignation en Côte d’Ivoire.

Lundi en fin d’après-midi, à une heure de grande écoute, la télévision privée la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI) créée en 2019, diffuse en direct et en public son émission « La télé d’ici vacances », consacrée au viol et présentée par l’animateur Yves de M’Bella.

L’animateur a invité un homme qu’il présente comme un ancien violeur à qui il demande d’expliquer comment il s’y prenait pour abuser de ses victimes.

Pour mieux illustrer les propos de l’ex-violeur, l’animateur, riant devant un public goguenard, met à sa disposition un mannequin qu’il l’aide à allonger au sol et lui demande alors d’expliquer avec force détails comment il violait une femme.

Après cette « démonstration », l’ex-violeur est invité par Yves de M’Bella à donner ses « conseils » à une femme pour ne pas être violée.

A peine terminée, l’émission a suscité des réactions outrées sur les réseaux sociaux de personnalités ivoiriennes et d’anonymes.

« Dites moi que je rêve », écrit ainsi sur Facebook Priss’K, artiste et humoriste. « C’est écœurant, inadmissible, irrespectueux, surtout envers les femmes. Un viol, c’est tellement dégradant, déshumanisant pour la victime ».

Geneviève Wannée, artiste-peintre et ancienne animatrice star de la télévision ivoirienne, dénonce quant à elle « l’attitude du présentateur qui aborde le sujet du viol comme un jeu, qui parle d’un sujet aussi traumatisant pour les victimes avec humour et désinvolture » et « donne l’opportunité à l’invité de faire une démonstration de viol ».

« Indignons-nous », ajoute-t-elle sur sa page Facebook. « On en a marre. Réveillons nous ».

Nassénéba Touré, ministre de la Femme, a condamné « fermement ces actes ignobles » qui « viennent saper les efforts » en vue d’éradiquer « ce fléau (le viol) qui gâche la vie de milliers de femmes et de filles ».

La Ligue ivoirienne des droits des femmes a également condamné « avec la dernière énergie cette émission et son contenu humiliant et dégradant pour la femme » et rappelle dans un communiqué que « le viol est un crime ».

Elle a déposé une plainte « pour outrage public à la pudeur et apologie du viol » contre NCI et M. de Mbella dont elle souhaite qu’il ne soit pas associé « à la finale du concours Miss Côte d’Ivoire » qu’il devait animer samedi.

L’animateur suspendu

Lancée peu après la diffusion de l’émission, une pétition signée mardi par plus de 37.500 personnes, adressée à la Haute autorité de la communication audiovisuelle, aux ministères de la Communication et de la Jeunesse, demande que l’émission soit « annulée et (que) l’équipe qui la présente avec à sa tête Yves de M’Bella soit sanctionnée ».

A l’heure « de la lutte contre les violences faites aux femmes », le texte déplore que « la télévision dont le rôle est d’éduquer, se fasse complice (…) en donnant la parole à un violeur ».

La direction de la NCI a présenté ses « plus sincères excuses ». Elle a exprimé dans un communiqué son « attachement au respect des droits humains et en particulier à ceux des femmes », ses « profonds regrets » et sa « solidarité avec les femmes victimes de violence et d’abus de toutes sortes ».

« A titre de mesures conservatoires (…) nous avons annulé toutes les rediffusions de cet épisode de +La télé d’ici vacances+ et nous avons suspendu l’animateur », indique le texte. « Nous assumons humblement la pleine responsabilité de cette faute grave et regrettable dont nous tirerons toutes conséquences ».

Il n’existe pas de statistiques officielles sur les viols en Côte d’Ivoire.

Mais dans une enquête réalisée auprès de 5.556 personnes publiée en juin, l’ONG ivoirienne Citoyennes pour la promotion et la défense des droits des enfants, femmes et minorités (CPDEFM), a recensé en deux ans dans la seule ville d’Abidjan 416 féminicides, 2.000 cas de violences faites aux femmes, dont 1.290 cas de mariage de filles de moins de 18 ans et 1.121 viols.

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