Sénégal: Les proches de victimes du Covid saisissent le juge pour le retour des corps
Les proches de Sénégalais décédés du Covid-19 ont décidé de saisir la Cour suprême pour forcer les autorités à accepter le rapatriement de dizaines de corps bloqués à l’étranger, depuis des semaines dans certains cas, ont indiqué mercredi un avocat et un membre de leur collectif.
Ces derniers ont décrit auprès de l’AFP l’état de détresse de ces proches devant la décision des autorités sénégalaises de ne pas autoriser jusqu’à nouvel ordre le rapatriement des dépouilles pour des raisons sanitaires.
Ils chiffrent à environ 80 le nombre de Sénégalais qui ont succombé au Covid-19 à l’étranger, dont une quarantaine rien qu’en France, et dont le corps n’a pu être ramené au pays.
Le ministère des Affaires étrangères estime quant à lui à 67 le nombre de Sénégalais morts du coronavirus « partout dans le monde », selon le directeur du département des Sénégalais de l’Extérieur, Amadou François Guèye. « Le gouvernement maintient sa décision de ne pas rapatrier les corps », a dit M. Guèye mercredi à l’AFP.
Les avocats du collectif ont déposé mardi une requête devant la Cour suprême pour qu’elle déclare l’illégalité de la décision des Affaires étrangères, a dit l’un d’eux, Me Assane Dioma Ndiaye.
Les proches sont « dans des situations de traumatisme, de stress, de grande détresse » selon l’avocat, et de « désarroi » selon Tamsir Ousmane Ba, un membre du collectif joint en Italie, où les dépouilles de quelques Sénégalais sont également bloquées.
Ils rapportent des cas dans lesquels leurs compatriotes vivaient en famille dans les pays où ils sont décédés et où leurs proches souhaitent les enterrer au Sénégal pour des raisons religieuses ou personnelles, et d’autres où ils sont morts lors d’un voyage sans personne de leur entourage auprès d’eux.
Ils invoquent la difficulté du deuil et la crainte que les défunts ne soient inhumés si leurs proches ne paient pas le maintien du corps dans une institution funéraire le temps nécessaire. Certains disparus ont déjà été enterrés de la sorte, dit Tamsir Ousmane Ba.
Il note que, de leur vivant en dehors de la pandémie, la préoccupation des Sénégalais de l’étranger réside précisément dans les dispositions à prendre pour que leur corps soit ramené au pays « s’il leur arrive quelque chose », et que « tout ce que nous avons toujours demandé à l’Etat sénégalais, c’est le passeport mortuaire », l’autorisation délivrée par les services consulaires.
Me Assane Dioma Ndiaye dénonce une « violation fondamentale » des droits au deuil ou à l’exercice de sa religion, mais aussi un acte discriminatoire car, « selon que vous mourez au Sénégal ou à l’extérieur, vous n’avez pas les mêmes droits ».
Il escompte que la Cour suprême réunisse les parties pour un débat contradictoire d’ici à la semaine prochaine, compte tenu des formalités à accomplir, des perturbations causées par la pandémie et de la période du Ramadan.