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Analyse.Tunisie. Pourquoi le président Kais Saied refuse la « prestation du serment » à onze nouveaux ministres

Le torchon brûle entre le chef du gouvernement, Hichem Mechichi et le président Kais Saied. En cause, le refus de ce dernier aux ministres désignés par Mechichi de prêter serment. Pour ne rien arranger, le Président du Parlement, Rached Ghannouchi a appelé à outrepasser l’accord du président. 

 

Sur fond de crise sociale aiguë, la Tunisie a plongé dans une crise constitutionnelle, la plus grave depuis le renversement de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali. Le Premier ministre Hichem Mechichi annonce, le 16 janvier, un remaniement ministériel. 

Le chef de l’exécutif a remplacé certains ministres et comblé certains vides dans son équipe notamment en nommant de nouveaux ministres au niveau de la justice, la santé, l’agriculture, Industrie, l’énergie, mais aussi l’Intérieur, et la formation professionnelle.  

Mais cette opération n’est pas du goût du président Kais Saied, qui s’est retrouvé écarté des consultations en vue de la formation de cette nouvelle équipe. Il oppose son véto de président de la République, et refuse ce qu’il considère le passage en force de Mechichi, pour le choix des nouveaux ministres de son cabinet. 

En marge d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, tenu le 25 janvier, le président Kais Saied  évoque « plusieurs défaillances de procédure » dans le remaniement de son Premier ministre. « Certains noms proposés sont impliqués dans des affaires de conflit d’intérêts et dans des affaires de corruption (…) ces candidats ne pourraient pas prêter serment », a martèle-t-il, avant de poursuivre : « Le serment n’est guère une procédure formelle, mais plutôt une formalité fondamentale », a-t-il souligné. 

Le président a répété de façon machinale et au mot près, une expression lancée par son prédécesseur, le défunt Béji Caïd Essebsi: “Je ne suis pas un facteur, avec tous mes respects pour les postiers, mais il ne faut pas compter sur moi pour jouer ce rôle entre le gouvernement et l’ARP”

Depuis, le pays est à l’arrêt et le blocage se transforme en un débat politico-constitutionnel. 

 

Mechichi et la stratégie de contournement 

 

Sans aller à l’affrontement direct, Mechichi pourrait contourner le véto du président en limogeant ses anciens ministres. Ainsi, devant la vacance des postes, il sera en mesure de demander à ses nouveaux ministres d’entamer leurs fonctions, sans attendre la prestation du serment. 

Une parade qui suppose la publication dans le Journal Officiel de cette décision de limogeage des onze ministres concernés, avant d’ordonner à ses nouveaux ministres de prendre leurs fonctions et contourner le véto de Saied. ce scénario est, selon les experts en droit constitutionnel, à la limite, anticonstitutionnel, car si le chef du gouvernement à le plein pouvoir pour limoger qui il veut de ses ministres, leur nomination reste du seul ressort du chef de l’Etat. Ce qui augure d’une aggravation de la crise politique si cette manœuvre ne fonctionne pas. 

 

Rached Ghannouchi, le franc-tireur 

 

C’est dans ce contexte politique tendu que le chef de l’ Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi a jeté de l’huile sur le feu en déclarant, lors d’une conférence virtuelle tenue le samedi 30 janvier : « Le rôle du président de la République est symbolique concernant la crise de prestation de serment ». 

Pour le leader du parti d’Annahda, le Président Kais Saied s’abstient de convoquer les nouveaux ministres pour prêter serment ce qui prouve qu’il est contre le récent remaniement.  

Pour lui, la Tunisie a adopté un régime parlementaire et que le rôle du chef de l’Etat est un rôle symbolique, et que la question du gouvernement appartient au parti au pouvoir. 

Tous les regards se tournent désormais vers le palais de Carthage, où le chef de l’Etat, Kais Saied devrait convoquer les ministres approuvés par le parlement pour prêter serment. 

Concernant les ministres refusés par le Président, Ghannouchi explique que les accusations lancées à leur égard ne sont accompagnées « d’aucune preuve », ajoutant que « quand on veut disqualifier une personne on l’accuse de corruption ». 

La situation de blocage risque de durer sauf si le Président Saied fait marche arrière. En effet, ce problème d’interprétation de la Constitution devrait normalement être tranché par la Cour constitutionnelle. Or cette dernière n’est toujours pas installée bien que prévue par la Constitution adoptée en 2014. 

 

 

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