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Interview. Boubacar Haidara: « La CEDEAO a empêché le scénario malien de se répéter dans les pays voisins »

ENTRETIEN. Mise en place d’un gouvernement civil au Mali, retour des attaques des djihadistes, le détricotage du mouvement M5 RPF, le rôle de la CEDEAO dans la région, les tensions politiques qui accompagnent les « troisièmes mandats »… Le chercheur malien, Boubacar Haidara nous donne des clés d’analyse. 

 

Chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM), Sciences-Po Bordeaux., Université Bordeaux Montaigne

 

Peut-on parler d’un retour à la normale de la situation au Mali ?

 

Boubacar Haidara: Sur le plan institutionnel, la nomination d’un président de transition et d’un premier ministre on peut parler d’un début de normalisation. Cependant, les choses ne rentreront dans l’ordre qu’avec la prochaine élection et la désignation d’un président par les urnes. 

Sur la plan sécuritaire, les choses sont plus compliqués. Il faut rappeler que sous Ibrahim Boubacar keita, l’armée était souvent coupée de la réalité. Les hommes n’étaient pas bien formés et les ressources allouées à l’armée était mal gérées quand elles ne sont pas détournées par des chefs bureaucratiques.

Cette déconfiture de l’armée malienne a été décriée par les putschistes qui sont des hommes de terrain et qui occupent les postes clés dans la gestion des affaires sécuritaires du pays, comme c’est le cas du ministre de la défense, du vice-président et du ministère de la Réconciliation nationale. On pourrait apercevoir une amélioration de la situation, mais pour le moment les attaques des jihadistes sont parti de plus bel, et à ce jour le village de Farabougou (centre) était encore assiégé par ces jihadistes sans que l’armée malienne ne puisse les déloger. Le nouveau commandement de l’armée n’est là que depuis un moins, et on verra quelle stratégie sera déployé sur le terrain pour ramener la sécurité au pays. 

 

Lire aussi: L’Union africaine lève la suspension du Mali, imposée après le coup d’Etat

 

Pourquoi le M5-RFP a disparu de la carte politique après le coup d’Etat ? 

 

Bien que ce mouvement ait été à la pointe de contestation qui a préparé le terrain à la chute d’IBK, il n’en a pas récolté les fruits. Par la suite le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a réussi ce que le président déchu n’a pas pu achever, à savoir diviser le M5-RFP. Pour atteindre cet objectif, le CNSP a fait miroiter à une aile du M5-RFP des postes et des récompenses pour qu’elle se désolidarise du mouvement et cause ainsi sa fracture. 

La Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’imam Mahmoud Dicko s’est désolidarisé a annoncé que le M5-RFP n’a plus aucune raison d’exister puisque l’objectif de chasser IBK du pouvoir a été atteint. En contrepartie, la CMAS est la seule représentée au sein du gouvernement avec deux postes ministériels.  

Pour le moment, ce qui reste du M5-RFP est en état de latence et continuer à observer le travail du CNSP et il n’hésitera pas le moment venu à revenir dans la rue si le nouveau gouvernement ne trouve pas les bonnes solutions aux grands problèmes du pays.  

 

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Peut-on dire que les militaires ont gagné la bataille du cœur du peuple malien ? 

 

Juste après le coup d’Etat, des images de jihadistes tués ou capturés ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. On disait même que les avions de l’armée pouvaient frapper les bases des jihadistes contrairement à l’ère d’IBK où le feu vert de la France était nécessaire. Cette communication a laissé convaincre les Maliens que la transition devait être menée par le CNSP. Sur le terrain, le pays a connu une relative accalmie qui s’explique par la négociation qui était en cours pour libérer l’opposant Soumaïla Cissé et d’autres otages occidentaux. Dès leur libération ainsi que celle de 203 jihadistes, la violence est repartie dans des régions pas loin de Bamako. Au de ce qui se passe, le CNSP n’apporte pas encore une solution à l’insécurité. 

 

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Comment a été perçu le rôle de la CEDEAO par les Maliens ? 

 

La CEDEAO a mis le pays sous embargo et fermé ses frontières. Cette institution a joué pleinement son rôle par pousser la CNSP à désigner un civil au sommet de l’Etat. Une partie des Maliens qui voulaient que l’armée assure la transition ont beaucoup critiqué la CEDEAO, la qualifiant de “syndicat des chefs d’Etat”.  

 

La CEDEAO était dans son rôle et le Mali a servi de démonstration de l’esprit d’anticipation de possible coups d’Etats dans les pays comme la Côte d’Ivoire ou la Guinée où les élections pour un troisième mandat est très mal perçu par les populations.  Si les putschistes était parvenu à prendre le pouvoir, ça aurait donné des idées en Côte d’Ivoire et en Guinée. En obligeant les putschistes à nommer des civils au pouvoir cela a aidé à éviter les potentiels troubles fomentés par les militaires.  

La Niger, le Mali et le Burkina sont des états fragilisés par des pressions sécuritaires et économiques. Quand vient s’ajouter une fragilité institutionnelle, c’est la porte ouverte à tous les dangers. La CEDEAO a fait en sorte que le cas malien ne se répète pas dans un autre pays.  

 

Quel regard portez vous sur les élections dans plusieurs pays de la région? 

 

Les troisièmes mandats sont une source de troubles en Guinée et la Côte d’Ivoire. C’est un mépris aux règles de l’alternance politique. Le président du Niger, Mahamadou Issoufou l’a bien compris et décidé de ne pas briguer un autre mandat bien qu’il soit encouragé par son entourage. Lors du sommet de la CEDEAO qui s’est tenue après le coup d’Etat, les discussions étaient très houleuses entre les chefs d’Etat. Le président de la Guinée Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a déclaré que l’instition ne devrait pas uniquement condamner le coup d’Etat au Mali, mais également l’amendement des constitutions qui permet à un président de s’accrocher au pouvoir. Un procédé qu’il a qualifié de similaire à un coup d’Etat! 

 

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